Monday, 12 September 2016

Les hommes qui tombent ( revoir Mad Men)

Je crois que j’avais envie de vous écrire. J’ai trop regardé Mad Men, et je vois mes ongles peints en rouge se mouvoir sur les touches blanches. J’en suis au moment où Betty Draper se met à écrire à Henry Francis. Elle lui écrit que plus personne n’écrit. Elle ne lui écrit donc rien. Elle lui dit donc tout.

Henry ne vient pas parler au fundraising de Betty, pourtant c’était tout le but de leur petite comédie, qu’elle puisse le regarder de loin... Mais c’est ce que Betty voulait, pas Henry. Elle se précipite alors à son bureau pour lui crier dessus, de rage et de désespoir, Betty pourrait taper du pied, et puis Henry lui dit « you had to come, I had to make you come ». À l’écrit et en anglais cette phrase est tellement ambiguë (to come est autant venir, que jouir). Elle lui demande « pourquoi ? » comme si elle n’avait pas entendu ce qu’il venait de lui dire. « Because you are married ». Bref elle est mariée, il ne veut certainement pas casser un couple aussi solide que les Draper… en fait il voulait pouvoir la baiser sur son bureau. Vous n’aurez pas Betty à ce prix là ! Elle ne veut pas du roman d’amour à 4 sous … Elle va se faire épouser à l’ancienne.  On rate le torride pour que plus tard elle devienne femme au foyer obèse.
Henry obéit, alors que Don pendant ce temps-là s’impose à la maîtresse d’école qui ne lui a pourtant pas donné autant de signes que Betty à Henry.
Henry pour se sauver de Don ?
Don c’est l’homme qui chute sans cesse.
Comme cette photo réapparue hier du falling man du 11 septembre 2001. Le côte à côte est frappant.
Mad Men restaurait un Manhattan pré-nine-eleven, et gardait pour son générique cette chute avant la fin. La chute éternelle du rêve américain.
 Don est l’ombre d’un autre qui court toujours après son ombre, un héritier des grands romans américains de la première partie du vingtième siècle. Il est post-moderne parce qu’il sait qu’il est un personnage, ce que les autres personnages ne savent pas. Mais il l’oublie tellement souvent, et il se laisse prendre à la comédie de sa vie.
Les plus beaux épisodes de Mad Men sont ceux où tout est imitation d’imitation d’imitation... L’imitation s’y dévoile.
Don Draper n’a plus accès à sa vérité, pas plus que nous. Il pense l’avoir effacée, aller de l’avant, il passe son temps à tomber en arrière. Il s’en sort parce qu’il est un homme pute, objet parfait des fantasmes féminin. Il nous glisse, mesdames, entre les doigts.



À revoir la série je ne me prends plus à prendre les destinées des personnages au sérieux. Le destin ne peut pas se prendre au sérieux, une œuvre de fiction qui donne un destin à ses personnages fait usage d’une transcendance qui gâche toute surprise et tout désir d’en savoir plus, d’en regarder plus. Don Draper, homme pute, est littéralement un fils de pute bien que non littéralement il n’en soit pas un. Son vrai prénom est Dick ! Et il fut nommé ainsi, cruelle ironie suprême du transcendantal Matthew Weiner, parce que sur son lit de mort, sa mère maudissait le géniteur de l’enfant lui promettant « to cut his dick ». Il fût nommé d’après le désir de revanche par la castration d’une prostituée morte en couche. Un roman des origines cruel et vulgaire créa la réécriture chute permanente de Don Draper/Dick Whitman. Don, la majesté du Don, fantasme féminin du don juan et tristesse du maudit Dick, fils de pute non putassier, qui pour survivre dût user du talent du poète Whitman pour se faire drapier… échange d’un rêve de vérité et de sens contre le rêve commercial et la publicité. Que Mad Men est pertinent et mérite d’être vu et revu !

Tuesday, 11 August 2015

Welcome to Me




THE ENGLISH VERSION FOLLOWS THE FRENCH ONE

Il y a très longtemps que je n’avais pas rédigé un post pour Silver Particules. J’ai continué de voir des films, mais le temps me manque et en général, enfin, vous avez peut-être compris que c’est d’un type de films particuliers dont j’aime parler : ceux qui sont oubliés, cultes, rares, ou étranges ; et parfois, plus rarement, ceux que tout le monde a vu ; et on ne croise pas ce type de film tous les jours.

Welcome to Me, qui est sorti l’an dernier aux USA n’a pas remporté un grand succès, ses notes sur IMDB ne sont pas remarquables, et les critiques des internautes luttent entre la curiosité, et le malaise que le film a déclenché chez eux. Chose rare pour un film américain Welcome to Me est original et surprenant.

C’est l’histoire d’Alice Kleig (Kristen Wiig), dont le réveil sonne chaque jour à 12 :15, qui n’a pas éteint sa télé depuis 10 ans, et qui connaît par cœur bon nombre d’émissions d’Oprah Winfrey. Alice a été diagnostiquée bipolaire à l’âge de 16 ans. Enfin à l’époque, comme elle l’explique, on appelait ça trouble maniaco-dépressif, c’est devenu syndrome bipolaire et maintenant elle est considérée comme personnalité borderline.
Alice gagne 86 millions de dollars au loto.
Elle s’offre donc un show télé, un talk show où elle sera l’hôte et parlera enfin d’elle sans être censuré parce que la société américaine trouve inapproprié.

Si vous voulez en prenant ce film  au second degré, il pourrait être considéré comme une critique de l’ère du selfie et de la télé-réalité où chacun se met en scène. Il proposerait un point de vue sur la consumation de soi par l’image. (J’écris consumation, dans le sens où les amérindiens considéraient qu’une photo leur volait leur âme). Il y a en effet dans la mise en scène de soi, un degré à partir duquel le soi se perd. Mais au lieu de se vouloir une critique Welcome to Me s’attache à la réalité de son personnage principal. Et pour moi Welcome to Me propose un équivalent télévisuel à l’art brut. Alice est aidée par ses producteurs et sa connaissance du fonctionnement de la télévision pour créer une forme dans laquelle ce qu’elle propose se rapproche de la performance ou d’un humour à la Andy Kaufman. Elle n’a pas personnellement de recul sur ce qu’elle fait, ce qui pour moi n’ôte rien à sa puissance créative (bien entendue fictionnelle). Le film est assez généreux et le jeu de Kristen Wiig assez fin, pour que jamais il ne sombre dans l’embarrassant et l’exagération mais soit absolument fascinant et passionnant.

La musique du film est génialement agencée. L’utilisation de Happy Talk chantée par Muriel Smith (Daniel Johnston est-il crédité ?) est très maline. C’est une chanson de Daniel Johnston qui est ici utilisée comme un standard.


Daniel Johnston est un artiste psychotique, qui réinvente la musique des Beatles et des Beach Boys avec ses petites mélodie a-rythmiques et bizarres. C’est intéressant d’entendre ici son travail se transformer en standard, comme si le film standardisait la folie pour lui faire prendre une forme télévisuelle. J’ai écris il y a quelques années sur Daniel Johnston, et vous pouvez voir le parallèle entre le documentaire sur ce chanteur/dessinateur et ce personnage de fiction qui devient paradigmatique de l’utilisation de l’art chez les artistes bruts. On notera aussi que les expositions des dessins de Johnston se nomment Welcome to my world

Ce qu’Alice expose dans son émission, ce sont ses solutions, ses mécanismes de défense contre son effondrement, toutes les créations de son esprit pour tenir : ses affaires rangées par couleurs, sa cuisine hautement protéinée… Elle y ajoute ses règlements de compte. Elle est capable d’adopter une forme créative et belle (un étudiant en communication la rencontre et compare son travail à celui de Cindy Sherman).
La folie est d’une certaine façon censurée dans les médias, on veut toujours la réduire à des troubles neurologiques, et simplifier l’être humain comme s’il n’était qu’une masse de faits, or Alice grâce à la somme considérable qu’elle gagne peut battre la censure et s’expliquer, raconter sa vie comme personne ne l’a entendue. Il ne s’agit pas d’expliquer sa folie ou de la guérir, il s’agit de montrer son humanité et sa lutte pour être définie par autre chose qu’un diagnostic changeant selon les modes psychiatriques.


It’s been a long time since my last post on this blog. I have seen numerous films since, but didn’t have nor the time nor the enthusiasm to write about them. But maybe you understood, reading this blog, that I tend to write about, rare, overlooked, forgotten or strange films, and more rarely works that everyone has seen. (Luckily for me what is sometimes very well known in France isn’t in the US and vice versa)

Welcome to Me which was released last season in the US doesn’t seem to have been very successful if I trust what have been written about it, and the critics seem to be fighting against a feeling of general embarrassment. To me Welcome to Me is one of those rare American films which are original (not structured in a way that if you understand the structure of a film you’ll know exactly what is going to happen (you can read my article about that called: bored by American dreams)) and thus, surprising.

This is the story of Alice Kleig (Kristen Wiig). She wakes up every day at 12: 15, her TV has been on for ten years, she knows by heart a great number of Oprah Winfrey shows. Alice was diagnosed bipolar at 16. Well as she explains it, in those days it was called manic-depressive, then bipolar and now borderline personality disorder.
Alice win 86 millions of dollars at the lottery.

So she pays for her own TV show, where she’ll be the host and will talk about herself.
This film could be considered as a critic of our selfie and real TV era where anyone plays his/her life as a show. It could be seen as a critic of how people consummate themselves in their image, and lose their soul with this profusion of extimity, like American Indian who thought that pictures stole their soul. But instead of being a parody, and a critic Welcome to Me stays focused on Alice. And Welcome to Me becomes an idea of what would be the equivalent of Outsider art for television. Alice is helped in creating what she wants by her greedy producer, and her knowledge of television, so the show looks like a performance, and this kind of humour reminds of Andy Kaufman’s. It is brilliant.

The soundtrack use is very interesting. I was very interested in the way a weird song like Happy Talk by Daniel Johnston is used as a standard. Is he credited? Or is it some kind of standard I didn’t know of? Anyway I already wrote about Johnston in this blog and in my opinion he is in music an Outsider Artist. The fact that the author uses his music, or the music he used shows that she’s interested of the creativity of madness. (In fact Daniel Johnston created a show called Welcome to my World, so he probably inspired Shira Piven or Eliot Laurence the writer (impossible to say).

What Alice exposes here, are her defence mechanisms against falling apart, all of the creation of her soul to hold on to herself: her things ordered by colours (once I was very bored and colour coordinated my books), her highly proteinated diet, her traumas… and she’s capable of putting all that in a form that makes it watchable (a student in communication compares her work to Cindy Sherman’s). Like the filmmaker who turned Daniel Johnston’s music into a jazz standard, Alice’s world is standardised for television, and makes madness watchable. (This is so rare in cinema, that it makes this film very important).

Madness is sort of censured by general medias; it scares people, so it’s very rare to have it portrayed in an interesting and creative way. It’s most of the time reduced (especially since the DSMs became psychiatric bibles, cutting the classical mental categories into symptoms and little pieces) to neurological troubles, and simplify the human being as if we were only a mass of facts. But Alice because of the considerable sum she won can beat the censorship, explain herself, and tell her life like no one ever heard it. The film doesn’t try to explain her madness or to cure it, but it shows her humanity and her fight to be defined by something else than a diagnostic that changes with medical fashions.

Saturday, 21 September 2013

Jimmy P, psychothérapie d'un indien des plaines


ENGLISH VERSION FOLLOWS THE FRENCH ONE (NO NEED TO USE GOOGLE TRANSLATION)
Ce film est l'adaptation cinématographique du livre et donc du travail de Georges Devereux avec James Picard, un amérindien Black Foot: Psychothérapie d'un indien des plaines. Il s'agit donc d'une histoire vraie et d'un document d'une richesse incroyable parce que grâce à Arnaud Desplechin on peut avoir dans un film de deux heures la vision globale d'une analyse complète.
Je n'ai pas encore lu le livre de Devereux, donc je ne peux pas vous dire si l'adaptation est fidèle, mais vu que le film ne semble rien réduire à des ficelles grossières, a priori ça ne m'étonnerait pas qu'il y soit relativement fidèle.
J'avais très très envie de voir ce film pour au moins 5 raisons, et je n'ai pas du tout été déçue. Mes raisons dans le désordre sont :
Ce qui m'a très vite frappée dans cet opus, c'est le contraste entre le fantasme que j'avais de ce que pouvait être la thérapie d'un amérindien et sa réalité. C'est-à-dire que je m'attendais à voir des psychopathologies nouvelles avec des symptômes originaux et exotiques. Par deux fois déjà on m'avait expliqué que peu importe les ethnies, les pathologies sont les mêmes, même si leurs expressions peuvent être différentes mais il m'a fallu ce film pour finalement intégrer cette notion. D'ailleurs mon a-priori est partagé par les personnages du film : lorsqu'il est établi que les problèmes de Jim Picard ne sont pas d'ordre somatique, la première question que se posent les membres de l'hôpital militaire de Topeka est « avons-nous déjà traité un indien ? » et c'est ainsi qu'ils font appel à Georges Devereux.
La différence en réalité entre la psychanalyse d'un occidental moyen et celle d'un natif américain par exemple Jimmy Picard, m'a semblé que justement dans sa culture il y a déjà des concepts permettant de circonscrire la réalité psychique. Comme par exemple celui de la mère phallique qui est …...... (case à remplir SVP par ceux qui verront le film après avoir lu cette critique (je ne suis pas une bonne critique je ne prends jamais de notes durant les séances de cinéma)).
Ce qui est le plus fascinant chez les grands acteurs et dans les grands films c'est la concentration. La façon dont un mot, par exemple, est prononcé de façon nette, précise et sans ambiguïté. James Picard (Benicio del Toro) a une présence, un impact sur la caméra qui prouve que rien d'autre n'existe que le moment présent.
Ce qui est notifié de façon subtile dans le film, c'est le rapport de l'Amérique à ses natifs. Lorsque Jimmy se rend dans un bar on lui demande sa carte d'identité pour lui servir de l'alcool, comme s'il était mineur. Et il ne peut pas retirer de l'argent à la banque sans la signature d'un « blanc ». Desplechin n'a pas appuyé sur le mépris et le racisme et les a juste cantonné à des faits pour laisser s'exprimer à l'incroyable finesse et intelligence de Jimmy.
Jimmy dit qu'il pourrait parler des rêves toute la journée.
Ce film tisse très finement les relations entre ses deux hommes et l'évolution de la thérapie. La façon dont Devereux donne les outils de base de l'analyse à son patient pour le laisser ensuite quand il les maîtrise, se dépatouiller avec, pour qu'il ne s'agit pas d'une relation de blanc à indien, mais d'homme à homme. L'outil de base est ici l'analyse des rêves. Bientôt le filmage nous fait entrer dans ces songes, si bien que parfois le lien entre ce que le film présente comme réel et le rêve devient incertain. Pas de changement des couleurs ou de flou artistique pour signifier qu'on n'est plus dans la réalité. Techniquement Desplechin reste au plus près de son sujet, c'est-à-dire d'un homme qui parfois ne sait plus où commence et où s'arrêtent les états de veilles et de sommeil.
Je ne vais pas aller dans les détails et analyser une scène, car je pense qu'il vaut mieux vous laisser le découvrir.
Ce film rend merveilleusement bien, et avec une grande générosité, qui pour moi est inédite chez Desplechin, les rapports complexes entre les être humains et leur psyché. J'ai trouvé très belle l'analogie que fait Devereux quand Picard lui demande combien de temps va prendre l'analyse, il lui dit : «combien de temps faut-il pour rassembler des chevaux égarés?» et Jimmy répond quelque chose comme « personne ne peut savoir ».


This film is the adaptation of the book and work of Georges Devereux with James Picard, a black foot native American : Reality and dream: Psychotherapy of a Plains Indian, New York: International Univ. Press, 1951. So it's a true story, and a an amazing document. Now thanks to Arnaud Desplechin we can have in a two hours film an overview of a completed psychoanalysis.
I haven't read Devereux's book yet, so I cannot tell you if the adaptation is faithful, but as this film doesn't seem to reduce or simplify anything I wouldn't be surprised if it was rather faithful to the original work.
I was absolutely impatient to see this opus for at least 5 reasons, and I haven't been disappointed. Here are my reason (not in the order):

  • Arnaud Desplechin is one of my favourite contemporary filmmaker, and Jimmy P. is his second film in English, the first one was a British production called Esther Kahn, that I absolutely adored.
  • I am passionate about psychoanalysis.
  • Mathieu Amalric ( that you probably discovered as the villain in Quantum of Solace).
  • Benicio del Toro, do you really need me to explain the attraction?...
  • The native Americans ( for those who are faithful to this blog, you know that I have covered about three years ago the festival De la plume à l'écran which promotes native American cinema. if you are in France in two weeks I encourage you to come to their next session). I've always been fascinated by Amerindian culture, one of my favourite books ever is Lame deer seeker of vision.
What really stroke me in this opus, is the contrast between the fantasy I had of what would be the therapy of a native American, and what it happened to be. Though I had been told at least twice that neurosis exists everywhere in the world and in all ethnics, I still thought that Jimmy would suffer from exotic symptoms. Needless to say that my prejudice was shared by the characters of the opus. When they ruled out the physical problem the first thing they wondered was : «have we psychologically treated an Indian before? » and this is where they called Georges Devereux, an anthropologist, to do the work.
What is notified in this film, in a very subtle way, is the relationship of America with its natives. When Jimmy wants to purchase alcohol he has to show an ID, like a kid under 21. And he can't withdraw his money from the bank without the signature of a « white ». Desplechin only displayed the facts without over dramatising them. The contrast between the way America treats Jimmy like a kid when he's very much an adult and the way his intelligence appears in his therapy is sufficiently efficient.
Jimmy says that he could speak about dreams all day long.
What is very fascinating in great actors and great films is how focused they are. The way, a word, for example, is outrightly expressed, without any ambiguity. James Picard (Benicio del Toro) is here with such an impact that only the present moment exists.
This opus weaves very delicately a drawing of the relationship between those two men and the evolution of the therapy. The way Devereux gives the basic tools of psychoanalysis to Jimmy and then let him use it by himself, shows that it's a man to man dialogue, not a white to Indian one. This basic tool is the interpretation of dreams. And early in the film, we enter into James' dreams. Sometimes the link between what is presented as real and the dreams is very blurred. There are no changes of colours in the dreaming parts, technically Desplechin stays faithful to Jimmy's symptom which is to be unable to distinguish dreams from reality.
I won't analyse any details of any scene, you must all discover by yourself.
In my opinion this films re-establishes very well and with a great amount of generosity , which is new in Desplechin 's filmography, the complex connections between humans and their psyche. I loved Devereux's analogy when Picard asked him how long it takes to finish a psychoanalysis, he says «how long does it take to gather runaway horses? » and Jimmy answered something like « no one can know ».

Wednesday, 4 September 2013

Michael Kohlhass (Arnaud des Pallières)


The English version follows the French one
D'après les critiques que j'avais lues je m'attendais à voir un film hérité de la tradition de Dreyer ou de Bresson, c'est à dire un film grave avec pour toile de fond un discours théologique. Je comprends d'où les critiques ont tiré cet aspect de l'oeuvre, mais ce que j'ai vu, personnellement, c'est un film de rébellion.
Michael Kohlhass est un marchand de chevaux fortuné et protestant. En revenant du marché avec ses animaux et ses valets, il se trouve confronté à un nouveau baron qui réclame encore le droit de pillage. Michael lui laisse deux de ses chevaux et un de ses valets pour pouvoir traverser. Il reviendra les chercher. Seulement, à son retour, il constate que les bêtes ont été maltraitées et qu'on a lâché les chiens sur César, le valet qui en avait la charge. Michael va vouloir obtenir justice, d'abord en passant par la loi, mais la loi sera injuste et sa femme sera tuée.
On a fait du tort à Michael Kohlhass et pour réparer ce tort, il est prêt à réduire en cendre les puissants. La force de sa colère, sa capacité à détruire le monde semble aux autres personnages être une disruption peu proportionnelle à la première injustice qu'il a subie, peut-être parce que les autres sont des moutons, qu'ils ne se considèrent pas les égaux des seigneurs et que pour la paix du présent ils acceptent d'être écrasés.
La faiblesse des hommes, des mâles, serait de tout mettre à feu et à sang quand ils sont malheureux, serait de jouer de leur force quand ils sont faibles. La puissance de Michael kohlhass est immense (donc infiniment sexy). Comme le dit la princesse il est autant craint qu'aimé ce qui le rend aussi puissant qu'elle. Mais cette puissance il ne la veut pas pour obtenir le pouvoir, comme elle, mais pour obtenir la justice.
Visuellement et émotionnellement, ce film est superbe, que ce soit la beauté des paysages de la Lozère, ou la beauté et la sensualité du rapport de la caméra à la peau des hommes. Michael Kohlhass (charismatique Mads Mikkelsen) se tient debout et nu face à notre regard, il se laisse observer il ne nous présente pas un visage furieux et fermé, mais un visage lisse et ouvert qui sait qu'il n'est pas inférieur aux princesses, aux barons du monde et qu'il a le droit de son côté.
Il semble, dans le cinéma contemporain, que la grammaire de l'image se soit globalement fixée et que seul la « qualité » de l'intérieur du cadre ou de l'écriture soit en évolution. Plus personne ne semble s'intéresser à la construction du récit par l'image seule. Ainsi tous les films sont montés de la même manière et les différences s'opèrent seulement dans le contenu du cadre et les twists scénaristiques, le montage est toujours identique, et c'est comme ça que personnellement j'entends la phrase choc de Godard que « le cinéma est mort ». Heureusement, ici ce n'est pas le cas, on trouve dans ce film une magnifique recherche formelle qui crée un nouveau souffle et une puissante émotion:
Lorsque sa femme est blessée à mort, Michael Kohlhass laisse son enfant dans la forêt lui confiant une jument qui lui échappe immédiatement des mains. (J'ai pensé à cet instant à la chanson de Cohen « ballad of the distant mare » où la jument est une métaphore de l'épouse) La petite se met à courir derrière son père comprenant la gravité de ce départ précipité. La scène est construite en montage alterné dopé aux faux raccords et aux répétitions. Dans un plan on voit la petite courir dans la forêt pour rejoindre son père, dans le suivant Michael essayant de sauver sa femme, et la scène se répète et le temps se perd, comme pour montrer l'impossibilité de combattre cette fatalité. Durant toute la scène le souffle de l'enfant, le son de sa course devient la bande sonore des deux actions en cours, et lorsqu'elle arrive, son père la met dehors et lui ferme la porte au nez. Cette scène est magistrale, c'est du grand cinéma.
Le film est rythmé par la musique concrète des bruits des chevaux, des armées, des souffles et la musique de the witches.
Chaque bataille est montrée différemment proposant à notre connaissance un des aspects de la guerre. Ainsi c'est sur le rythme du rechargage des arbalètes qu'Arnaud des pallières fixe l'intrusion dans le château du petit baron. Une bataille est filmée à distance comme s'il s'agissait d'un jeu d'échec, c'est le mouvement stratégique qui est alors visé plus que les habituelles coulées de sang.
J'ajouterais enfin que les personnages et les dialogues sont magnifiquement écrits, que le rapport de Michael à sa fille et à sa femme est très beau, qu'après sa vision le film a continué son chemin dans ma tête, et que je suis autant amoureuse de ce film que de ses personnages.
Michael kohlhass est une oeuvre riche pour nos esprits affamés, qui nourrit l'âme et restaure une certaine force épique absente de notre monde contemporain, c'est autant un film intellectuel, et sensuel qu'un film d'aventure. Il ne faut surtout pas le rater.
À signaler qu'il y a eu en 1969 une autre adaptation de la pièce de Kleist par Volker Schlondorff que je n'ai pas encore vue.

After reading the reviews I was expecting this film to be an heir of Dreyer and Bresson's masterpieces, that is to say a serious opus unravelling theological speeches. I understand from what the critics found this aspect of the film, but what I personally saw was a film about rebellion.
Michael Kohlhass is a wealthy and protestant horse trader. Coming back from the market with his servants and his animals, he is confronted to a new baron, who is still claiming a plundering right. Michael leaves him two horses and his valet to take care of them, and he's this way able to cross. He will come back to fetch them. But when he does, the horses have been brutalised and the dogs have been released on César, the servant. Michael wants to obtain justice, first with a lawyer, but his right to complain is denied, and his wife will be killed for trying to obtain it.
Michael Kohlhass has been wronged, and to fix this wrong, he is ready to burn to the ground the mighty ones and their courts. The strength of his anger, his capacity to destroy the world seem to other characters to be a disruption not proportional to the first wrong he endured, maybe because they're sheeps, not aware of their equality with lords and that for the sake of a relative peace they accept to be crushed.
The weakness of men, males, would be to wreak bloody havoc when they're unhappy, would be to use their strength when they're weak. The power of Michael Kohlhass is great. As the princess says he is as much feared that he's loved which makes him as powerful as her. But Michael does not want this power to rule, like she does, but to obtain justice. 
Visually and emotionally, this film is superb, beauty of the Lozere landscapes or the sensuality of the camera relation with human skin are breathtaking. Michael Kohlhass (charismatic Mads Mikkelsen) is standing naked in front of us, he let us watch him, his face isn't angry and closed, but relaxed and opened, he knows that his right for justice is equal to a prince or a baron's one.
It seems, in contemporary cinema, that the pictures' grammar globally stopped evolving, and that only the quality of the inside of the frame or of the writing is still in evolving. No one seems anymore to be interested into the construction of the story by the pictures. All films seem to be edited in the same way, and the only differences are in the content of the frame and the script twists, the editing always work in the same way, and that is the way I understand the provocative quote of Godard « cinema is dead ». Luckily in this opus it is not the case, and creativity also resides in the editing. This formal research doesn't slow the story and creates a stronger emotion, it frees us from any déjà-vu feelings:
When his wife is injured, Michael Kohlhass s his child in the forest, entrusting her a mare, that immediately after he's gone, escapes from the girl. (I though of Cohen's song « ballad of the distant mare » where the mare is a metaphor for the spouse). His daughter, leaving the animal behind, run after her father, understanding that something wrong happened. The scene is built alternating the images of the running of the little girl, and Michael trying to save his wife. While she's running, the time seems to be jumping and repeating itself with a concordance of jump cuts and time lapses on Michael's side, showing the impossibility to fight this fate. The whole scene sound comes from the child race, her breathing and her panic. When she arrives her father close the door in front of her. This scene is remarkable, it is great cinema.
The opus is rythmed by the concrete music of noises of horses, armies, and breaths, and also the medieval music of The Witches.
Each battles is shown differently proposing to our knowledge a different aspect of war. So this is on the rhythm of reloading the crossbows that Arnaud des Pallières film the intrusion in the little baron's castle. A battle is filmed from a distance, to let us observe the strategic movement as if it were a chess game. In this scene the art of war is more obvious than the customary blood loss without giving away the emotion.
I will finally add that the characters and dialogues are beautifully written, that Michael's relationship to his wife and daughter is beautiful, that after seeing it the film continued its way through my mind, and that I am as much in love with the opus than with its characters.

Michael kohlhass is a rich opus for our starving spirits, it feeds the soul and restore an epic strength to our contemporary world, it's as much intellectual and sensual as it is an adventure movie. Don't miss it for the world.
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