Friday 6 November 2009

Alain Resnais et Les Herbes Folles


The English version follows
Alain Resnais ne raconte jamais une histoire ou une intrigue, il place sa camera dans un univers et explore les relations entre les personnages, leurs désirs, leurs peurs et l’espace qui les sépare. Issue du nouveau roman et du surréalisme, pour moi Alain Resnais, même s’il en est contemporain ne se situe pas dans La nouvelle vague mais plutôt déjà dans la métafiction de la nouvelle vague.
J’ai attendu longtemps de voir L’année dernière à Marienbad, je désirais une salle sombre et un grand écran histoire de ne pas m’enfuir vers une cuisine ou des toilettes au simple écho de la peur de l’ennui. C’est au Champo que j’ai franchi le pas et j’ai découvert que toutes les critiques que j’avais lu jusque là et le scandale que provoqua la remise de sa palme à Cannes, que nulle part on ne mentionnait l’humour ravageur de ce film ! Bien sûre j’ai été merveilleusement bercée par la voix de Delphine Seyrig, et si je n’avais pas déjà été une inconditionnelle de Chanel je serais devenue une ! Vous ai-je déjà dit que lorsque j’ai acheté mon premier tailleur pour chercher mon premier travail, que j’avais opté pour une jupe pliée (et non plissée) qui bouge comme celle de Fabienne tabard (Delphine Seyrig et Chanel aussi) dans Baisers Volés. Je suis imprégnée de cinéma jusqu’aux orteils.
Lorsqu’On Connaît La Chanson est sorti au cinéma, je l’ai vu 3 fois dans la même semaine, et 4 fois en tout au cinéma (j’ai cessé de compter après la sortie vidéo) je vécu ce film comme un drâme contemporain ou un documentaire plutôt que comme une comédie. Alors que tous riaient aux éclats, j’étais, moi, profondément touchée par l’errance et la détresse des personnages qui faisait écho à la mienne.
Alain Resnais dit faire ses films les uns contre les autres, mais combien d’effets de miroir : les années 20/30 dans la décoration du pavillon de banlieue de George Palet, dans Mélo, et Pas sur la Bouche ; la Bretagne et la mer dans Mon Oncle d’Amérique et les Herbes Folles, l’immobilier des intérieurs si scrutés par la caméra et les personnages comme dans Cœurs, dans On connaît la chanson. Que la maison de George Palet est belle ! Ce jardin d’hivers ! Et toujours le thème des rencontres, des gens qui se croisent, s’effleurent, se ratent dans la valse de l’humanité. Et enfin les images flottantes : flocons de neiges dans l’Amour à Mort et Cœurs, méduses dans On Connait la Chanson, et herbes ici battues par les vents.
Les Herbes Folles est aussi assez fétichiste, l’histoire, ou le conte commence par les jambes. Marguerite a des pieds spéciaux (on ne sait pas en quoi) alors il lui faut des chaussures Marc Jacob. Lorsqu’elle sort du magasin place du palais royal elle se fait voler son sac à main longchamps par un voleur à la tire monté sur rollers. Là la scène est magnifique, et j’ai déjà cessé de penser, le narrateur explique sur l’image de Marguerite abasourdi et dont on ne voit pas encore le visage que c’est dans les moments de plus grande détresse que l’on est incapable de crier « Au Secours, au voleur, à l’assassin ! ». Et tout le film semble se poursuivre sur cette note de la difficulté à communiquer. Ici incapacité de dialogues brillants les personnages ont beaucoup de mal à exprimer leurs pensées, ils voudraient dire des choses importantes mais rien ne se dit et toujours les mots restent en suspens, comme un suspense de l’identité réelle de nos personnages. George va faire changer la pile de sa montre,(le spectateur de série à une petite réminiscence de ce cher Sylar lorsque la montre de George ralentit et meure).
Lui au lieu de parcourir les allées du palais royal parcourt celles du centre commercial de l’hay aux roses, et les gardiens le regardent suspicieux. Il descend au parking, alors qu’il est près de sa voiture deux pétasses clinquantes et vulgaires passent devant lui, et l’idée lui vient qu’il devrait les tuer , apparemment il a déjà fait ça et ça lui a servi de leçon… Il voit par terre un portefeuille maculé, le ramasse et commence à fantasmer sur sa propriétaire : Marguerite Muir (tout le monde à pensé à la belle Madame Muir amoureuse de son fantôme de marin !) George va rendre son portefeuille à mademoiselle Muir par l’intermédiaire de la police, mais désirant plus qu’un petit merci, il veut la connaître et lui écrit et lui téléphone chaque jour.
Ce qui est passionnant, toujours c’est qu’on ne sait jamais comment situer les personnages qui sont flottants et ne se laissent pas profiler. Après avoir entendu le discours intérieur de George on l’imagine vivant seul et reclus, alors qu’il est marié, père et grand-père.
Le film se finit en looping surréaliste, et j’ai entendu beaucoup de spectateurs râler dans la salle, parce qu’ils cherchaient à comprendre, et que bien sûre le surréalisme aime se dédouaner de la compréhension, mais cette fin magique avec une petite fille qui répète « maman quand je serais un chat est-ce que je pourrais manger des croquettes ? » m’a fascinée au-delà du possible, et si j’écris à présent cet article à chaud, il y a des restes d’herbes folles qui bouillonnent dans mon inconscient prêtent à prendre de l’altitude dans un spitfire. Spitfire : crache feu… Il y a cette séquence éclair où George saoul libère Josepha (Emmanuelle Devos) de sa ceinture de sécurité, séquence tout à coup très sexuelle et sexuée, sortie, de nulle part qui frappe l’inconscient par sa sensualité immédiate et torride, comme si George, un instant avait acquis le charisme de Mitchum dans la Nuit du Chasseur. Comme le Resnais que je préfère : Muriel ou le Temps d’un Retour, les Herbes Folles est fait d’humains mystérieux, aux douleurs et aux accords qui se tissent ensemble pour créer une fiction probante bien qu’improbable, riche en milliards d’idées qui comme des graines vont pousser dans nos têtes comme des herbes folles. Resnais rend avec amour hommage au cinéma et le cinéma rend hommage à l’amour de Resnais.

Alain Resnais and the Wild Grass
Alain Resnais never tells a story or an intrigue, he places his camera in a universe and explores the relationship between the characters, their desires and the space and time that separate them. Inspired by the nouveau roman and the surrealism, though he’s a contemporaneous of the nouvelle vague, he’s already beyond it, already creating in the sixties a modern cinema with modern storytelling closer to Antonioni than Truffaut and Godard.
I waited a long time before seeing Last Year in Marienbad. I desired a dark room and a big screen to be trapped and have no bathroom or kitchen excuses in case it could be even slightly boring. When I watched it, I discovered that if I had heard a lot about the aesthetics and acting, and of course the scandal it created in Cannes, no one had ever said anything about how funny and full of insider jokes this film was! Of course I was also charmed by the sublime voice of Delphine Seyrig, and if I had not already been a fan of Coco Chanel’s clothes, well, I would have changed my mind. (When I bought my first suit for my first interview I wanted my skirt to move the same way that Fabienne tabard’s did in Stolen kisses ( also the magic pair of Seyrig and Chanel)). I love cinema from head to toes!
When Same Old Song was released I saw it three times in the same week, altogether four times in cinemas and an infinite number of times in video! I lived this film like a contemporary drama or a documentary, not like the nice comedy everyone saw except me! While people were laughing, I was profoundly touched by the distress of the characters which echoed mine.
Alain Resnais says that he makes his films against one another, but there are actually so much mirror effects in them: art nouveau style in the decoration of George Palet’s house, in Mélo, and Not on the Lips; Brittany and ocean in Mon Oncle d’Amérique and Wild Grass. Real estate is in Private fears in public places and Same Old Song. George Palet’s house is so beautiful it looks like Mélo’s one! I love the living room/winter garden (it’s almost what I wanted to see in my dream). There’s always the theme of people bumping in one another, missing each other in the waltz of humanity! Last but not least : the floating images, the snow flakes in Love Unto Death and Private fears in public places, the jelly fishes in Same Old Song and finally the wild grass in Wild Grass, the floating images after years of presence became the title and the subterranean became at last visible!
Wild Grass is slightly fetishist: this story or tale starts by following legs and feet. Marguerite has special feet (we don’t know what’s special about them) so she needs Marc Jacobs shoes. When she leaves the shop someone on rollers stole her longchamps handbag. Here the scene is splendid, the narrator explains, while we still can’t see marguerite’s face that in these moments of big distress when one should do something, in the biggest anguishes, instead of shouting “Thief , thief , help” one stay silent, unable to call for help, the fear being too big. And all the film seems to start from there: the incapacity of producing a speech to be saved! Our characters who seem to need one another have the greatest difficulties to express their needs, they start sentences, say that they have very important things to say but then it doesn’t gets out of their mouth, it’s not even thought clearly, but it’s there!
George needs to change the battery of his watch, he watches the needles slow down till death ( for the TV shows’ geeks it can be reminiscent of our dear Sylar).
Instead of being in Palais Royal like Marguerite, George is in a mall, where guardians have a close eye on him. He goes to the parking where two tacky bimbos excite him so much he wants to kill them, but he calms himself and think that it already happened and that he paid for that. Is George a serial killer or is it just a dark fantasy? … On the floor of the parking he spots a wallet and start to fantasise on his owner miss Marguerite Muir ( of course any film buff think of the beautiful Adventure of Mrs Muir). George go to the police , they inform Marguerite that they have her belongings, she calls George to say thank you but George who already fell in love with her wants so much more though he doesn’t know exactly what he wants! He starts to regularly write letters to Marguerite and to leave messages on her answering machine: basically he stalks her…
What is fascinating in Wild Grass is that it is impossible to know exactly who the characters are and what they want, they’re as fluctuating as real human beings. After George’s first presentation, it is easy to picture him alone and reclusive, when he’s actually married, father and even grand-father!
This film ends up in a surrealist looping, and in the cinema I heard a lot of spectators complaining, I despise them! They tried to understand, and of course surrealism and poetry love to free themselves from pragmatic understanding. But this magic end with a little girl who repeats “Mum, when I’ll be a cat, would I be allowed to eat cat food?” This is just the best sentence ever! I am writing this chronicle only a few hours after seeing this film and I can say that there are rests of wild grasses fusionning in my brain, and they’re ready to fly very high in a spitfire plane!
Spit Fire
My memory is burnt by this very short sequence where George frees Josepha from her seatbelt, and this scene gets very sexy and sexual, it came from nowhere but right away stroke us with the hotness and dangerousness that Robert Mitchum had in the Night of the hunter. Like my favourite Resnais’ Muriel ou le temps d’un retour, Wild Grass is made of mysterious human beings, with pains and connections woven together to create a fiction flirtatious, beautiful and rich in thousands of ideas that will get stuck in our unconscious like seeds to grow one day as wild grasses. With love Resnais pay tribute to the cinema and the cinema pays a tribute to Resnais’ love.

2 comments:

Pascale said...

Non il n'est pas utile de comprendre pour aimer à la folie...
au contraire ?

Enattendant said...

absolument d'accord :)!

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