Wednesday 4 September 2013

Michael Kohlhass (Arnaud des Pallières)


The English version follows the French one
D'après les critiques que j'avais lues je m'attendais à voir un film hérité de la tradition de Dreyer ou de Bresson, c'est à dire un film grave avec pour toile de fond un discours théologique. Je comprends d'où les critiques ont tiré cet aspect de l'oeuvre, mais ce que j'ai vu, personnellement, c'est un film de rébellion.
Michael Kohlhass est un marchand de chevaux fortuné et protestant. En revenant du marché avec ses animaux et ses valets, il se trouve confronté à un nouveau baron qui réclame encore le droit de pillage. Michael lui laisse deux de ses chevaux et un de ses valets pour pouvoir traverser. Il reviendra les chercher. Seulement, à son retour, il constate que les bêtes ont été maltraitées et qu'on a lâché les chiens sur César, le valet qui en avait la charge. Michael va vouloir obtenir justice, d'abord en passant par la loi, mais la loi sera injuste et sa femme sera tuée.
On a fait du tort à Michael Kohlhass et pour réparer ce tort, il est prêt à réduire en cendre les puissants. La force de sa colère, sa capacité à détruire le monde semble aux autres personnages être une disruption peu proportionnelle à la première injustice qu'il a subie, peut-être parce que les autres sont des moutons, qu'ils ne se considèrent pas les égaux des seigneurs et que pour la paix du présent ils acceptent d'être écrasés.
La faiblesse des hommes, des mâles, serait de tout mettre à feu et à sang quand ils sont malheureux, serait de jouer de leur force quand ils sont faibles. La puissance de Michael kohlhass est immense (donc infiniment sexy). Comme le dit la princesse il est autant craint qu'aimé ce qui le rend aussi puissant qu'elle. Mais cette puissance il ne la veut pas pour obtenir le pouvoir, comme elle, mais pour obtenir la justice.
Visuellement et émotionnellement, ce film est superbe, que ce soit la beauté des paysages de la Lozère, ou la beauté et la sensualité du rapport de la caméra à la peau des hommes. Michael Kohlhass (charismatique Mads Mikkelsen) se tient debout et nu face à notre regard, il se laisse observer il ne nous présente pas un visage furieux et fermé, mais un visage lisse et ouvert qui sait qu'il n'est pas inférieur aux princesses, aux barons du monde et qu'il a le droit de son côté.
Il semble, dans le cinéma contemporain, que la grammaire de l'image se soit globalement fixée et que seul la « qualité » de l'intérieur du cadre ou de l'écriture soit en évolution. Plus personne ne semble s'intéresser à la construction du récit par l'image seule. Ainsi tous les films sont montés de la même manière et les différences s'opèrent seulement dans le contenu du cadre et les twists scénaristiques, le montage est toujours identique, et c'est comme ça que personnellement j'entends la phrase choc de Godard que « le cinéma est mort ». Heureusement, ici ce n'est pas le cas, on trouve dans ce film une magnifique recherche formelle qui crée un nouveau souffle et une puissante émotion:
Lorsque sa femme est blessée à mort, Michael Kohlhass laisse son enfant dans la forêt lui confiant une jument qui lui échappe immédiatement des mains. (J'ai pensé à cet instant à la chanson de Cohen « ballad of the distant mare » où la jument est une métaphore de l'épouse) La petite se met à courir derrière son père comprenant la gravité de ce départ précipité. La scène est construite en montage alterné dopé aux faux raccords et aux répétitions. Dans un plan on voit la petite courir dans la forêt pour rejoindre son père, dans le suivant Michael essayant de sauver sa femme, et la scène se répète et le temps se perd, comme pour montrer l'impossibilité de combattre cette fatalité. Durant toute la scène le souffle de l'enfant, le son de sa course devient la bande sonore des deux actions en cours, et lorsqu'elle arrive, son père la met dehors et lui ferme la porte au nez. Cette scène est magistrale, c'est du grand cinéma.
Le film est rythmé par la musique concrète des bruits des chevaux, des armées, des souffles et la musique de the witches.
Chaque bataille est montrée différemment proposant à notre connaissance un des aspects de la guerre. Ainsi c'est sur le rythme du rechargage des arbalètes qu'Arnaud des pallières fixe l'intrusion dans le château du petit baron. Une bataille est filmée à distance comme s'il s'agissait d'un jeu d'échec, c'est le mouvement stratégique qui est alors visé plus que les habituelles coulées de sang.
J'ajouterais enfin que les personnages et les dialogues sont magnifiquement écrits, que le rapport de Michael à sa fille et à sa femme est très beau, qu'après sa vision le film a continué son chemin dans ma tête, et que je suis autant amoureuse de ce film que de ses personnages.
Michael kohlhass est une oeuvre riche pour nos esprits affamés, qui nourrit l'âme et restaure une certaine force épique absente de notre monde contemporain, c'est autant un film intellectuel, et sensuel qu'un film d'aventure. Il ne faut surtout pas le rater.
À signaler qu'il y a eu en 1969 une autre adaptation de la pièce de Kleist par Volker Schlondorff que je n'ai pas encore vue.

After reading the reviews I was expecting this film to be an heir of Dreyer and Bresson's masterpieces, that is to say a serious opus unravelling theological speeches. I understand from what the critics found this aspect of the film, but what I personally saw was a film about rebellion.
Michael Kohlhass is a wealthy and protestant horse trader. Coming back from the market with his servants and his animals, he is confronted to a new baron, who is still claiming a plundering right. Michael leaves him two horses and his valet to take care of them, and he's this way able to cross. He will come back to fetch them. But when he does, the horses have been brutalised and the dogs have been released on César, the servant. Michael wants to obtain justice, first with a lawyer, but his right to complain is denied, and his wife will be killed for trying to obtain it.
Michael Kohlhass has been wronged, and to fix this wrong, he is ready to burn to the ground the mighty ones and their courts. The strength of his anger, his capacity to destroy the world seem to other characters to be a disruption not proportional to the first wrong he endured, maybe because they're sheeps, not aware of their equality with lords and that for the sake of a relative peace they accept to be crushed.
The weakness of men, males, would be to wreak bloody havoc when they're unhappy, would be to use their strength when they're weak. The power of Michael Kohlhass is great. As the princess says he is as much feared that he's loved which makes him as powerful as her. But Michael does not want this power to rule, like she does, but to obtain justice. 
Visually and emotionally, this film is superb, beauty of the Lozere landscapes or the sensuality of the camera relation with human skin are breathtaking. Michael Kohlhass (charismatic Mads Mikkelsen) is standing naked in front of us, he let us watch him, his face isn't angry and closed, but relaxed and opened, he knows that his right for justice is equal to a prince or a baron's one.
It seems, in contemporary cinema, that the pictures' grammar globally stopped evolving, and that only the quality of the inside of the frame or of the writing is still in evolving. No one seems anymore to be interested into the construction of the story by the pictures. All films seem to be edited in the same way, and the only differences are in the content of the frame and the script twists, the editing always work in the same way, and that is the way I understand the provocative quote of Godard « cinema is dead ». Luckily in this opus it is not the case, and creativity also resides in the editing. This formal research doesn't slow the story and creates a stronger emotion, it frees us from any déjà-vu feelings:
When his wife is injured, Michael Kohlhass s his child in the forest, entrusting her a mare, that immediately after he's gone, escapes from the girl. (I though of Cohen's song « ballad of the distant mare » where the mare is a metaphor for the spouse). His daughter, leaving the animal behind, run after her father, understanding that something wrong happened. The scene is built alternating the images of the running of the little girl, and Michael trying to save his wife. While she's running, the time seems to be jumping and repeating itself with a concordance of jump cuts and time lapses on Michael's side, showing the impossibility to fight this fate. The whole scene sound comes from the child race, her breathing and her panic. When she arrives her father close the door in front of her. This scene is remarkable, it is great cinema.
The opus is rythmed by the concrete music of noises of horses, armies, and breaths, and also the medieval music of The Witches.
Each battles is shown differently proposing to our knowledge a different aspect of war. So this is on the rhythm of reloading the crossbows that Arnaud des Pallières film the intrusion in the little baron's castle. A battle is filmed from a distance, to let us observe the strategic movement as if it were a chess game. In this scene the art of war is more obvious than the customary blood loss without giving away the emotion.
I will finally add that the characters and dialogues are beautifully written, that Michael's relationship to his wife and daughter is beautiful, that after seeing it the film continued its way through my mind, and that I am as much in love with the opus than with its characters.

Michael kohlhass is a rich opus for our starving spirits, it feeds the soul and restore an epic strength to our contemporary world, it's as much intellectual and sensual as it is an adventure movie. Don't miss it for the world.

1 comment:

Anonymous said...

Très belle critique, qui met en valeur le génie cinématographique de des Pallières et le talent de Mikkelsen.
Bravo!
Anne-Marie

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