The English version follows the French one
D'après les critiques
que j'avais lues je m'attendais à voir un film hérité de la
tradition de Dreyer ou de Bresson, c'est à dire un film grave avec
pour toile de fond un discours théologique. Je comprends d'où les
critiques ont tiré cet aspect de l'oeuvre, mais ce que j'ai vu,
personnellement, c'est un film de rébellion.
Michael Kohlhass est un
marchand de chevaux fortuné et protestant. En revenant du marché
avec ses animaux et ses valets, il se trouve confronté à un nouveau
baron qui réclame encore le droit de pillage. Michael lui laisse
deux de ses chevaux et un de ses valets pour pouvoir traverser. Il
reviendra les chercher. Seulement, à son retour, il constate que les
bêtes ont été maltraitées et qu'on a lâché les chiens sur
César, le valet qui en avait la charge. Michael va vouloir obtenir
justice, d'abord en passant par la loi, mais la loi sera injuste et
sa femme sera tuée.
On a fait du tort à
Michael Kohlhass et pour réparer ce tort, il est prêt à réduire
en cendre les puissants. La force de sa colère, sa capacité à
détruire le monde semble aux autres personnages être une disruption
peu proportionnelle à la première injustice qu'il a subie,
peut-être parce que les autres sont des moutons, qu'ils ne se
considèrent pas les égaux des seigneurs et que pour la paix du
présent ils acceptent d'être écrasés.
La faiblesse des hommes,
des mâles, serait de tout mettre à feu et à sang quand ils sont
malheureux, serait de jouer de leur force quand ils sont faibles. La
puissance de Michael kohlhass est immense (donc infiniment sexy).
Comme le dit la princesse il est autant craint qu'aimé ce qui le
rend aussi puissant qu'elle. Mais cette puissance il ne la veut pas
pour obtenir le pouvoir, comme elle, mais pour obtenir la justice.
Visuellement et
émotionnellement, ce film est superbe, que ce soit la beauté des
paysages de la Lozère, ou la beauté et la sensualité du rapport de
la caméra à la peau des hommes. Michael Kohlhass (charismatique
Mads Mikkelsen) se tient debout et nu face à notre regard, il se
laisse observer il ne nous présente pas un visage furieux et fermé,
mais un visage lisse et ouvert qui sait qu'il n'est pas inférieur
aux princesses, aux barons du monde et qu'il a le droit de son côté.
Il semble, dans le cinéma
contemporain, que la grammaire de l'image se soit globalement fixée
et que seul la « qualité » de l'intérieur du cadre ou
de l'écriture soit en évolution. Plus personne ne semble
s'intéresser à la construction du récit par l'image seule. Ainsi
tous les films sont montés de la même manière et les différences
s'opèrent seulement dans le contenu du cadre et les twists
scénaristiques, le montage est toujours identique, et c'est comme ça
que personnellement j'entends la phrase choc de Godard que « le
cinéma est mort ». Heureusement, ici ce n'est pas le cas, on
trouve dans ce film une magnifique recherche formelle qui crée un nouveau souffle et une puissante émotion:
Lorsque sa femme est
blessée à mort, Michael Kohlhass laisse son enfant dans la forêt
lui confiant une jument qui lui échappe immédiatement des mains.
(J'ai pensé à cet instant à la chanson de Cohen « ballad of
the distant mare » où la jument est une métaphore de
l'épouse) La petite se met à courir derrière son père comprenant
la gravité de ce départ précipité. La scène est construite en
montage alterné dopé aux faux raccords et aux répétitions. Dans
un plan on voit la petite courir dans la forêt pour rejoindre son
père, dans le suivant Michael essayant de sauver sa femme, et la
scène se répète et le temps se perd, comme pour montrer
l'impossibilité de combattre cette fatalité. Durant toute la scène
le souffle de l'enfant, le son de sa course devient la bande sonore
des deux actions en cours, et lorsqu'elle arrive, son père la met
dehors et lui ferme la porte au nez. Cette scène est magistrale,
c'est du grand cinéma.
Le film est rythmé par
la musique concrète des bruits des chevaux, des armées, des
souffles et la musique de the witches.
Chaque bataille est
montrée différemment proposant à notre connaissance un des aspects
de la guerre. Ainsi c'est sur le rythme du rechargage des arbalètes
qu'Arnaud des pallières fixe l'intrusion dans le château du petit
baron. Une bataille est filmée à distance comme s'il s'agissait
d'un jeu d'échec, c'est le mouvement stratégique qui est alors visé
plus que les habituelles coulées de sang.
J'ajouterais enfin que
les personnages et les dialogues sont magnifiquement écrits, que le
rapport de Michael à sa fille et à sa femme est très beau,
qu'après sa vision le film a continué son chemin dans ma tête, et
que je suis autant amoureuse de ce film que de ses personnages.
Michael kohlhass est une
oeuvre riche pour nos esprits affamés, qui nourrit l'âme et
restaure une certaine force épique absente de notre monde
contemporain, c'est autant un film intellectuel, et sensuel qu'un
film d'aventure. Il ne faut surtout pas le rater.
À signaler qu'il y a eu
en 1969 une autre adaptation de la pièce de Kleist par Volker Schlondorff que je n'ai pas encore vue.
After
reading the reviews I was expecting this film to be an heir of Dreyer
and Bresson's masterpieces, that is to say a serious opus unravelling
theological speeches. I understand from what the critics found this
aspect of the film, but what I personally saw was a film about
rebellion.
Michael
Kohlhass is a wealthy and protestant horse trader. Coming back from
the market with his servants and his animals, he is confronted to a
new baron, who is still claiming a plundering right. Michael leaves
him two horses and his valet to take care of them, and he's this way
able to cross. He will come back to fetch them. But when he does, the
horses have been brutalised and the dogs have been released on César,
the servant. Michael wants to obtain justice, first with a lawyer,
but his right to complain is denied, and his wife will be killed for
trying to obtain it.
Michael
Kohlhass has been wronged, and to fix this wrong, he is ready to burn
to the ground the mighty ones and their courts. The strength of his
anger, his capacity to destroy the world seem to other characters to
be a disruption not proportional to the first wrong he endured, maybe
because they're sheeps, not aware of their equality with lords and
that for the sake of a relative peace they accept to be crushed.
The weakness
of men, males, would be to wreak bloody havoc when they're unhappy,
would be to use their strength when they're weak. The power of
Michael Kohlhass is great. As the princess says he is as much feared
that he's loved which makes him as powerful as her. But Michael does
not want this power to rule, like she does, but to obtain justice.
Visually and emotionally, this film is superb, beauty of the Lozere
landscapes or the sensuality of the camera relation with human skin
are breathtaking. Michael Kohlhass (charismatic Mads Mikkelsen) is
standing naked in front of us, he let us watch him, his face isn't
angry and closed, but relaxed and opened, he knows that his right for
justice is equal to a prince or a baron's one.
It seems, in
contemporary cinema, that the pictures' grammar globally stopped
evolving, and that only the quality of the inside of the frame or of
the writing is still in evolving. No one seems anymore to be
interested into the construction of the story by the pictures. All
films seem to be edited in the same way, and the only differences are
in the content of the frame and the script twists, the editing always
work in the same way, and that is the way I understand the
provocative quote of Godard « cinema is dead ». Luckily
in this opus it is not the case, and creativity also resides in the
editing. This formal research doesn't slow the story and creates a
stronger emotion, it frees us from any déjà-vu feelings:
When his
wife is injured, Michael Kohlhass s his child in the forest,
entrusting her a mare, that immediately after he's gone, escapes from
the girl. (I though of Cohen's song « ballad of the distant
mare » where the mare is a metaphor for the spouse). His
daughter, leaving the animal behind, run after her father,
understanding that something wrong happened. The scene is built
alternating the images of the running of the little girl, and Michael
trying to save his wife. While she's running, the time seems to be
jumping and repeating itself with a concordance of jump cuts and time
lapses on Michael's side, showing the impossibility to fight this
fate. The whole scene sound comes from the child race, her breathing
and her panic. When she arrives her father close the door in front of
her. This scene is remarkable, it is great cinema.
The opus is
rythmed by the concrete music of noises of horses, armies, and
breaths, and also the medieval music of The Witches.
Each battles
is shown differently proposing to our knowledge a different aspect of
war. So this is on the rhythm of reloading the crossbows that Arnaud
des Pallières film the intrusion in the little baron's castle. A
battle is filmed from a distance, to let us observe the strategic
movement as if it were a chess game. In this scene the art of war is
more obvious than the customary blood loss without giving away the
emotion.
I will
finally add that the characters and dialogues are beautifully
written, that Michael's relationship to his wife and daughter is
beautiful, that after seeing it the film continued its way through my
mind, and that I am as much in love with the opus than with its
characters.
Michael
kohlhass is a rich opus for our starving spirits, it feeds the soul
and restore an epic strength to our contemporary world, it's as much
intellectual and sensual as it is an adventure movie. Don't miss it
for the world.
1 comment:
Très belle critique, qui met en valeur le génie cinématographique de des Pallières et le talent de Mikkelsen.
Bravo!
Anne-Marie
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