Je
crois que j’avais envie de vous écrire. J’ai trop regardé Mad Men, et je vois
mes ongles peints en rouge se mouvoir sur les touches blanches. J’en suis au
moment où Betty Draper se met à écrire à Henry Francis. Elle lui écrit que plus
personne n’écrit. Elle ne lui écrit donc rien. Elle lui dit donc tout.
Henry
ne vient pas parler au fundraising de Betty, pourtant c’était tout le but de
leur petite comédie, qu’elle puisse le regarder de loin... Mais c’est ce que Betty
voulait, pas Henry. Elle se précipite alors à son bureau pour lui crier dessus,
de rage et de désespoir, Betty pourrait taper du pied, et puis Henry lui dit
« you had to come, I had to make you come ». À l’écrit et en anglais
cette phrase est tellement ambiguë (to come est autant venir, que jouir). Elle
lui demande « pourquoi ? » comme si elle n’avait pas entendu ce
qu’il venait de lui dire. « Because you are married ». Bref elle est
mariée, il ne veut certainement pas casser un couple aussi solide que les
Draper… en fait il voulait pouvoir la baiser sur son bureau. Vous n’aurez pas
Betty à ce prix là ! Elle ne veut pas du roman d’amour à 4 sous … Elle va
se faire épouser à l’ancienne. On rate
le torride pour que plus tard elle devienne femme au foyer obèse.
Henry
obéit, alors que Don pendant ce temps-là s’impose à la maîtresse d’école qui ne
lui a pourtant pas donné autant de signes que Betty à Henry.
Henry
pour se sauver de Don ?
Don
c’est l’homme qui chute sans cesse.
Comme
cette photo réapparue hier du falling man du 11 septembre 2001. Le côte à côte
est frappant.
Mad
Men restaurait un Manhattan pré-nine-eleven, et gardait pour son générique
cette chute avant la fin. La chute éternelle du rêve américain.
Don est l’ombre d’un autre qui court toujours
après son ombre, un héritier des grands romans américains de la première partie
du vingtième siècle. Il est post-moderne parce qu’il sait qu’il est un
personnage, ce que les autres personnages ne savent pas. Mais il l’oublie
tellement souvent, et il se laisse prendre à la comédie de sa vie.
Les
plus beaux épisodes de Mad Men sont ceux où tout est imitation d’imitation
d’imitation... L’imitation s’y dévoile.
Don
Draper n’a plus accès à sa vérité, pas plus que nous. Il pense l’avoir effacée,
aller de l’avant, il passe son temps à tomber en arrière. Il s’en sort parce
qu’il est un homme pute, objet parfait des fantasmes féminin. Il nous glisse,
mesdames, entre les doigts.
À
revoir la série je ne me prends plus à prendre les destinées des personnages au
sérieux. Le destin ne peut pas se prendre au sérieux, une œuvre de fiction qui
donne un destin à ses personnages fait usage d’une transcendance qui gâche
toute surprise et tout désir d’en savoir plus, d’en regarder plus. Don Draper,
homme pute, est littéralement un fils de pute bien que non littéralement il
n’en soit pas un. Son vrai prénom est Dick ! Et il fut nommé ainsi,
cruelle ironie suprême du transcendantal Matthew Weiner, parce que sur son lit
de mort, sa mère maudissait le géniteur de l’enfant lui promettant « to
cut his dick ». Il fût nommé d’après le désir de revanche par la
castration d’une prostituée morte en couche. Un roman des origines cruel et
vulgaire créa la réécriture chute permanente de Don Draper/Dick Whitman. Don, la
majesté du Don, fantasme féminin du don juan et tristesse du maudit Dick, fils
de pute non putassier, qui pour survivre dût user du talent du poète Whitman pour
se faire drapier… échange d’un rêve de vérité et de sens contre le rêve
commercial et la publicité. Que Mad Men est pertinent et mérite d’être vu et
revu !
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