Tuesday, 11 August 2015

Welcome to Me




THE ENGLISH VERSION FOLLOWS THE FRENCH ONE

Il y a très longtemps que je n’avais pas rédigé un post pour Silver Particules. J’ai continué de voir des films, mais le temps me manque et en général, enfin, vous avez peut-être compris que c’est d’un type de films particuliers dont j’aime parler : ceux qui sont oubliés, cultes, rares, ou étranges ; et parfois, plus rarement, ceux que tout le monde a vu ; et on ne croise pas ce type de film tous les jours.

Welcome to Me, qui est sorti l’an dernier aux USA n’a pas remporté un grand succès, ses notes sur IMDB ne sont pas remarquables, et les critiques des internautes luttent entre la curiosité, et le malaise que le film a déclenché chez eux. Chose rare pour un film américain Welcome to Me est original et surprenant.

C’est l’histoire d’Alice Kleig (Kristen Wiig), dont le réveil sonne chaque jour à 12 :15, qui n’a pas éteint sa télé depuis 10 ans, et qui connaît par cœur bon nombre d’émissions d’Oprah Winfrey. Alice a été diagnostiquée bipolaire à l’âge de 16 ans. Enfin à l’époque, comme elle l’explique, on appelait ça trouble maniaco-dépressif, c’est devenu syndrome bipolaire et maintenant elle est considérée comme personnalité borderline.
Alice gagne 86 millions de dollars au loto.
Elle s’offre donc un show télé, un talk show où elle sera l’hôte et parlera enfin d’elle sans être censuré parce que la société américaine trouve inapproprié.

Si vous voulez en prenant ce film  au second degré, il pourrait être considéré comme une critique de l’ère du selfie et de la télé-réalité où chacun se met en scène. Il proposerait un point de vue sur la consumation de soi par l’image. (J’écris consumation, dans le sens où les amérindiens considéraient qu’une photo leur volait leur âme). Il y a en effet dans la mise en scène de soi, un degré à partir duquel le soi se perd. Mais au lieu de se vouloir une critique Welcome to Me s’attache à la réalité de son personnage principal. Et pour moi Welcome to Me propose un équivalent télévisuel à l’art brut. Alice est aidée par ses producteurs et sa connaissance du fonctionnement de la télévision pour créer une forme dans laquelle ce qu’elle propose se rapproche de la performance ou d’un humour à la Andy Kaufman. Elle n’a pas personnellement de recul sur ce qu’elle fait, ce qui pour moi n’ôte rien à sa puissance créative (bien entendue fictionnelle). Le film est assez généreux et le jeu de Kristen Wiig assez fin, pour que jamais il ne sombre dans l’embarrassant et l’exagération mais soit absolument fascinant et passionnant.

La musique du film est génialement agencée. L’utilisation de Happy Talk chantée par Muriel Smith (Daniel Johnston est-il crédité ?) est très maline. C’est une chanson de Daniel Johnston qui est ici utilisée comme un standard.


Daniel Johnston est un artiste psychotique, qui réinvente la musique des Beatles et des Beach Boys avec ses petites mélodie a-rythmiques et bizarres. C’est intéressant d’entendre ici son travail se transformer en standard, comme si le film standardisait la folie pour lui faire prendre une forme télévisuelle. J’ai écris il y a quelques années sur Daniel Johnston, et vous pouvez voir le parallèle entre le documentaire sur ce chanteur/dessinateur et ce personnage de fiction qui devient paradigmatique de l’utilisation de l’art chez les artistes bruts. On notera aussi que les expositions des dessins de Johnston se nomment Welcome to my world

Ce qu’Alice expose dans son émission, ce sont ses solutions, ses mécanismes de défense contre son effondrement, toutes les créations de son esprit pour tenir : ses affaires rangées par couleurs, sa cuisine hautement protéinée… Elle y ajoute ses règlements de compte. Elle est capable d’adopter une forme créative et belle (un étudiant en communication la rencontre et compare son travail à celui de Cindy Sherman).
La folie est d’une certaine façon censurée dans les médias, on veut toujours la réduire à des troubles neurologiques, et simplifier l’être humain comme s’il n’était qu’une masse de faits, or Alice grâce à la somme considérable qu’elle gagne peut battre la censure et s’expliquer, raconter sa vie comme personne ne l’a entendue. Il ne s’agit pas d’expliquer sa folie ou de la guérir, il s’agit de montrer son humanité et sa lutte pour être définie par autre chose qu’un diagnostic changeant selon les modes psychiatriques.


It’s been a long time since my last post on this blog. I have seen numerous films since, but didn’t have nor the time nor the enthusiasm to write about them. But maybe you understood, reading this blog, that I tend to write about, rare, overlooked, forgotten or strange films, and more rarely works that everyone has seen. (Luckily for me what is sometimes very well known in France isn’t in the US and vice versa)

Welcome to Me which was released last season in the US doesn’t seem to have been very successful if I trust what have been written about it, and the critics seem to be fighting against a feeling of general embarrassment. To me Welcome to Me is one of those rare American films which are original (not structured in a way that if you understand the structure of a film you’ll know exactly what is going to happen (you can read my article about that called: bored by American dreams)) and thus, surprising.

This is the story of Alice Kleig (Kristen Wiig). She wakes up every day at 12: 15, her TV has been on for ten years, she knows by heart a great number of Oprah Winfrey shows. Alice was diagnosed bipolar at 16. Well as she explains it, in those days it was called manic-depressive, then bipolar and now borderline personality disorder.
Alice win 86 millions of dollars at the lottery.

So she pays for her own TV show, where she’ll be the host and will talk about herself.
This film could be considered as a critic of our selfie and real TV era where anyone plays his/her life as a show. It could be seen as a critic of how people consummate themselves in their image, and lose their soul with this profusion of extimity, like American Indian who thought that pictures stole their soul. But instead of being a parody, and a critic Welcome to Me stays focused on Alice. And Welcome to Me becomes an idea of what would be the equivalent of Outsider art for television. Alice is helped in creating what she wants by her greedy producer, and her knowledge of television, so the show looks like a performance, and this kind of humour reminds of Andy Kaufman’s. It is brilliant.

The soundtrack use is very interesting. I was very interested in the way a weird song like Happy Talk by Daniel Johnston is used as a standard. Is he credited? Or is it some kind of standard I didn’t know of? Anyway I already wrote about Johnston in this blog and in my opinion he is in music an Outsider Artist. The fact that the author uses his music, or the music he used shows that she’s interested of the creativity of madness. (In fact Daniel Johnston created a show called Welcome to my World, so he probably inspired Shira Piven or Eliot Laurence the writer (impossible to say).

What Alice exposes here, are her defence mechanisms against falling apart, all of the creation of her soul to hold on to herself: her things ordered by colours (once I was very bored and colour coordinated my books), her highly proteinated diet, her traumas… and she’s capable of putting all that in a form that makes it watchable (a student in communication compares her work to Cindy Sherman’s). Like the filmmaker who turned Daniel Johnston’s music into a jazz standard, Alice’s world is standardised for television, and makes madness watchable. (This is so rare in cinema, that it makes this film very important).

Madness is sort of censured by general medias; it scares people, so it’s very rare to have it portrayed in an interesting and creative way. It’s most of the time reduced (especially since the DSMs became psychiatric bibles, cutting the classical mental categories into symptoms and little pieces) to neurological troubles, and simplify the human being as if we were only a mass of facts. But Alice because of the considerable sum she won can beat the censorship, explain herself, and tell her life like no one ever heard it. The film doesn’t try to explain her madness or to cure it, but it shows her humanity and her fight to be defined by something else than a diagnostic that changes with medical fashions.

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