THE
ENGLISH VERSION FOLLOWS THE FRENCH ONE
Il y
a très longtemps que je n’avais pas rédigé un post pour Silver Particules. J’ai
continué de voir des films, mais le temps me manque et en général, enfin, vous
avez peut-être compris que c’est d’un type de films particuliers dont j’aime
parler : ceux qui sont oubliés, cultes, rares, ou étranges ; et
parfois, plus rarement, ceux que tout le monde a vu ; et on ne croise pas
ce type de film tous les jours.
Welcome
to Me, qui est sorti l’an dernier aux USA n’a pas remporté un grand
succès, ses notes sur IMDB ne sont pas remarquables, et les critiques des
internautes luttent entre la curiosité, et le malaise que le film a déclenché
chez eux. Chose rare pour un film américain Welcome to Me est
original et surprenant.
C’est
l’histoire d’Alice Kleig (Kristen Wiig),
dont le réveil sonne chaque jour à 12 :15, qui n’a pas éteint sa télé
depuis 10 ans, et qui connaît par cœur bon nombre d’émissions d’Oprah Winfrey.
Alice a été diagnostiquée bipolaire à l’âge de 16 ans. Enfin à l’époque, comme
elle l’explique, on appelait ça trouble maniaco-dépressif, c’est devenu syndrome
bipolaire et maintenant elle est considérée comme personnalité borderline.
Alice gagne 86 millions de dollars au loto.
Elle
s’offre donc un show télé, un talk show où elle sera l’hôte et parlera enfin
d’elle sans être censuré parce que la société américaine trouve inapproprié.
Si
vous voulez en prenant ce film au second
degré, il pourrait être considéré comme une critique de l’ère du selfie et de
la télé-réalité où chacun se met en scène. Il proposerait un point de vue sur
la consumation de soi par l’image. (J’écris consumation, dans le sens où les
amérindiens considéraient qu’une photo leur volait leur âme). Il y a en effet
dans la mise en scène de soi, un degré à partir duquel le soi se perd. Mais au
lieu de se vouloir une critique Welcome to Me s’attache à la réalité
de son personnage principal. Et pour moi Welcome to Me propose un équivalent
télévisuel à l’art brut. Alice est aidée par ses producteurs et sa
connaissance du fonctionnement de la télévision pour créer une forme dans
laquelle ce qu’elle propose se rapproche de la performance ou d’un humour à la Andy Kaufman. Elle n’a pas
personnellement de recul sur ce qu’elle fait, ce qui pour moi n’ôte rien à sa
puissance créative (bien entendue fictionnelle). Le film est assez généreux et
le jeu de Kristen Wiig assez fin, pour que jamais il ne sombre dans l’embarrassant
et l’exagération mais soit absolument fascinant et passionnant.
La
musique du film est génialement agencée. L’utilisation de Happy Talk chantée par
Muriel Smith (Daniel Johnston est-il crédité ?) est très maline. C’est une chanson de Daniel Johnston qui
est ici utilisée comme un standard.
Daniel Johnston est un artiste
psychotique, qui réinvente la musique des Beatles et des Beach Boys avec ses
petites mélodie a-rythmiques et bizarres. C’est intéressant d’entendre ici son
travail se transformer en standard, comme si le film standardisait la folie
pour lui faire prendre une forme télévisuelle. J’ai écris il y a quelques années sur Daniel Johnston, et vous
pouvez voir le parallèle entre le documentaire sur ce chanteur/dessinateur et
ce personnage de fiction qui devient paradigmatique de l’utilisation de l’art
chez les artistes bruts. On notera aussi que les expositions des dessins de
Johnston se nomment Welcome to my world…
Ce
qu’Alice expose dans son émission, ce sont ses solutions, ses mécanismes de défense
contre son effondrement, toutes les créations de son esprit pour tenir : ses
affaires rangées par couleurs, sa cuisine hautement protéinée… Elle y ajoute
ses règlements de compte. Elle est capable d’adopter une forme créative et
belle (un étudiant en communication la rencontre et compare son travail à celui
de Cindy Sherman).
La
folie est d’une certaine façon censurée dans les médias, on veut toujours la
réduire à des troubles neurologiques, et simplifier l’être humain comme s’il
n’était qu’une masse de faits, or Alice grâce à la somme considérable qu’elle
gagne peut battre la censure et s’expliquer, raconter sa vie comme personne ne
l’a entendue. Il ne s’agit pas d’expliquer sa folie ou de la guérir, il s’agit
de montrer son humanité et sa lutte pour être définie par autre chose qu’un
diagnostic changeant selon les modes psychiatriques.
It’s been a long time since my last
post on this blog. I have seen numerous films since, but didn’t have nor the
time nor the enthusiasm to write about them. But maybe you understood, reading
this blog, that I tend to write about, rare, overlooked, forgotten or strange
films, and more rarely works that everyone has seen. (Luckily for me what is
sometimes very well known in France isn’t in the US and vice versa)
Welcome to Me which was released last season in
the US doesn’t seem to have been very successful if I trust what have been
written about it, and the critics seem to be fighting against a feeling of
general embarrassment. To me Welcome to Me is one of those rare
American films which are original (not structured in a way that if you
understand the structure of a film you’ll know exactly what is going to happen
(you can read my article about that called: bored by American dreams)) and
thus, surprising.
This is the story of Alice Kleig (Kristen Wiig). She wakes up every day at
12: 15, her TV has been on for ten years, she knows by heart a great
number of Oprah Winfrey shows. Alice was diagnosed bipolar at 16. Well as she
explains it, in those days it was called manic-depressive, then bipolar and now
borderline personality disorder.
Alice win 86 millions of dollars at the lottery.
So she pays for her own TV show,
where she’ll be the host and will talk about herself.
This film could be considered as a
critic of our selfie and real TV era where anyone plays his/her life as a show.
It could be seen as a critic of how people consummate themselves in their
image, and lose their soul with this profusion of extimity, like American
Indian who thought that pictures stole their soul. But instead of being a
parody, and a critic Welcome to Me stays focused on
Alice. And Welcome to Me becomes an
idea of what would be the equivalent of Outsider art for television. Alice
is helped in creating what she wants by her greedy producer, and her knowledge
of television, so the show looks like a performance, and this kind of humour
reminds of Andy Kaufman’s. It is
brilliant.
The soundtrack use is very
interesting. I was very interested in the way a weird song like Happy
Talk by Daniel Johnston is used
as a standard. Is he credited? Or is it some kind of standard I didn’t know
of? Anyway I already wrote about Johnston in this blog and in my opinion he is
in music an Outsider Artist. The fact that the author uses his music, or the
music he used shows that she’s interested of the creativity of madness. (In
fact Daniel Johnston created a show called Welcome to my World, so he probably
inspired Shira Piven or Eliot Laurence the writer (impossible to say).
What Alice exposes here, are her
defence mechanisms against falling apart, all of the creation of her soul to
hold on to herself: her things ordered by colours (once I was very bored and colour coordinated my books), her highly proteinated diet, her traumas… and
she’s capable of putting all that in a form that makes it watchable (a student
in communication compares her work to Cindy Sherman’s). Like the filmmaker who
turned Daniel Johnston’s music into a jazz standard, Alice’s world is
standardised for television, and makes madness watchable. (This is so rare in
cinema, that it makes this film very important).
Madness is sort of censured by
general medias; it scares people, so it’s very rare to have it portrayed in an interesting
and creative way. It’s most of the time reduced (especially since the DSMs
became psychiatric bibles, cutting the classical mental categories into symptoms
and little pieces) to neurological troubles, and simplify the human being as if
we were only a mass of facts. But Alice because of the considerable sum she won
can beat the censorship, explain herself, and tell her life like no one ever
heard it. The film doesn’t try to explain her madness or to cure it, but it
shows her humanity and her fight to be defined by something else than a
diagnostic that changes with medical fashions.
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