Thursday 10 February 2011

le Journal d'une Femme de Chambre, Diary of a Chambermaid de/by Jean Renoir 1945

ENGLISH VERSION FOLLOWS THE FRENCH ONE
Le ciné-club Jean Douchet (cinéma du Panthéon) a saisi l'occasion de la sortie en copie restaurée du Journal d'une Femme de Chambre de Jean Renoir, pour en faire le sujet de sa séance.
(Je ne suis pas une cinéfille, à l'adolescence et au début de l'age adulte, mon addiction au magnétoscope agaçait profondément mes parents, ainsi qu'une certaine tendance truffaldienne ( à l'époque) à préférer les films à la vie. Mais pour Renoir c'était différent, c'est ma mère qui nous introduisit à son grand art. Tout ça pour dire que les films de Renoir, comme ceux d'Hitchcock font partie des « vieux » films que les non cinéphiles aiment et regardent!)
Un Renoir Hollywoodien
C'est Paulette Goddard qui joue le rôle de Célestine ( joué par Moreau dans la version de Buñuel) rappelez-vous: la gamine des Temps Modernes et la blanchisseuse du Dictateur. Lorsqu'elle arrive de Paris pour travailler chez les Lanlaire ( franchement ce nom!), elle est passée depuis 2 ans de places en places et ne comprend pas ce qui ne va pas chez elle. Joseph (sombre Francis Lederer), le valet des Lanlaire vient la chercher à la gare, elle et une fille de cuisine. Celui-ci se permet de renvoyer la fille de cuisine, et Célestine se révolte contre cette attitude « si elle ne vient pas, je ne viens pas non plus! ». Alors Joseph emmène les deux, et Célestine vient de comprendre à travers la réaction de Louise (la fille de cuisine) que tous ses problèmes étaient toujours venu de sa soumission. Elle décide donc que désormais elle ne se laissera plus faire, qu'elle prendra le premier homme qui viendra à elle et aura assez d'argent et quittera sa condition de femme de chambre. Bien entendu toute le beauté du film repose sur le fait que Célestine si elle a pris conscience de son pouvoir sur les hommes et décidé de l'assumer, ne peut pas s'empêcher de suivre son coeur.
Je n'avais jamais vu de Renoir américain, et j'ai été surprise de voir à quel point il réussissait à traduire son univers en anglais, la valse de sa mise en scène, sa croyance en l'humain et son anarchie à la Boudu. Il a même trouvé en Reginald Owen un équivalent anglophone à Michel Simon qui porte la même barbe et joue un mari soumis comme celui de La Chienne. Le film me hante encore, et j'ai acheté le bouquin de Mirbeau, pour voir ce que Renoir et Buñuel y ont trouvé, y ont ajouté et ce qui est d'origine.
Ce film est drôle et aussi émouvant. Comme l'a dit Douchet, on peut le regarder et l'apprécier sans vouloir se prendre la tête ( d'où probablement le fait que Renoir soit populaire chez les non cinéphiles) mais il y a aussi grande matière à penser. Et là contrairement à mon habitude de ne vous donner que mon analyse, je ne vais pas voler ce qui est à César et retranscrire un peu ce qu'en a dit Douchet. D'ailleurs c'était mon premier ciné-club Jean Douchet et j'ai beaucoup aimé.
Selon lui chez Renoir tous les personnages jouent leur rôle social et essayent de s'y tenir, comme les clichés d'êtres qu'ils sont, la vie est un théâtre donc assumons la théâtralité. Joseph peut souhaiter ne plus être un valet, il n'est pas autre chose qu'un valet et ne peut pas accéder à un autre rôle. Il n'y a pas chez Renoir de lutte des classes, mais des changements de classes. Le valet veut devenir propriétaire, mais chez Renoir, la propriété c'est le mal, probablement ( et là c'est moi qui l'ajoute) parce que les personnes se définissant à travers des objets ne peuvent pas devenir de véritable personnes. Tous les personnages sont donc dans le théâtrale dans la vie, sauf Célestine qui est la seule à être une vraie personne à partir du moment où elle a décidé de ne plus être soumise.

Célestine est ouverte sexuellement, elle n'est pas en retenue, et le valet est l'inverse et ne pourra jamais s'ouvrir. La vieille valse d'Eros et de Thanatos. Elle vit, il tue.
La maîtresse de maison, jouée par Judith Anderson qui était la terrifiante gouvernante dans Rebecca d'Hitchcock veut mettre en scène et posséder le monde qui l'entoure. Et pour faire rester son fils tuberculeux à la maison, elle utilise Célestine, la parfume et lui donne des robes. Célestine tombe amoureuse et George ( c'est son nom) aussi. Je dois dire que si de dos il ressemble à la créature de Frankenstein, qu'il a un très beau visage, qu'il est le casting parfait: souffreteux mais magnifique, et en général je déteste les jeunes premier du cinéma de l'Hollywood d'avant James Dean.
Ce qui me plait aussi dans ce film, c'est sa modernité dans la sensualité, c'est Célestine qui embrasse George et non l'inverse, elle assume son pouvoir de femme et sa féminité ( et pour moi, c'est là qu'est le vrai féminisme, non pas dans le déni de féminité )
Ce Renoir est très violent, et la lutte entre George et Joseph pénible et dangereuse. D'après Douchet, chez Renoir, il faut se battre pour gagner sa liberté, et notre tuberculeux, doit se libérer de sa mère et de sa condition de cliché pour devenir un être humain aux côtés de Célestine.
Voilà pour Douchet , et maintenant moi:
Ce qui me titillait et continuait de me hanter longtemps après la vision du film, c'est le paradoxe de Célestine. Elle regarde le valet dans les yeux et lui raconte que quand elle était enfant elle cherchait à voir des dans les yeux des gens leur vraie nature, et elle le regarde mais peut elle dire à quel point il est dangereux? Elle ajoute qu'elle a beaucoup souffert. Alors voilà je me dis que c'est ça la beauté de Célestine, qu'elle essaye de voir les gens tels qu'ils sont, elle essaye de comprendre les humains, l'âme humaine est mystérieuse, mais après avoir souffert elle ne s'est pas refermée et continue de se lancer dans des aventures étranges et sordides. Je ne sais pas si elle est intelligente ou idiote, elle est les deux après tout, en tout cas, sa beauté c'est qu'elle est vivante et se laisse entrainer par la vie et c'est là pour moi qu'est le génie du film et de tous les Renoir d'ailleurs, ils sont profondément vivants.
Le Champo et le Mac Mahon programmeront le film en copie neuve à partir du 16 février.



The ciné-club Jean Douchet ( cinema du Pantheon, Paris) took the occasion of the release of a restored copy of Jean Renoir's Diary of a Chambermaid, to make it the subject of its last session.
(I am not a cinephile's daughter, when I was a teenager and then a young adult, my addiction to the family VCR and a truffauldian tendency to prefer films to life deeply annoyed my parents. But for Renoir, it was different, it's my mother who introduced his work to us. All that to say that Renoir's films, like Hitchcock's are of those « old » movies that are not only loved by film geeks but by everyone.)
An hollywoodian Renoir
In this version Celestine's part is performed by Paulette Goddard (it was Moreau in Buñuel's) remember she was the Modern Times and the Great Dictator's leading lady along with Chaplin. When Celestine arrives from Paris to work at the Lanlaire's ( in French we have an expression to talk about sex which is “s'envoyer en l'air” (to throw oneself up in the air) I have the feeling that her employers family name has something to do with this expression). She had spent the two last year changing bosses all the time and wonders what's wrong with her. Joseph ( the dark Francis Lederer) valet of the Lanlaires is at the station to fetch her and a kitchen girl, but he decides that she's the only suitable one. Seeing the reaction of Louise, the kitchen girl, Celestine refuses to go, and is amazed by her own courage. The valet changes his mind and take them both, and Celestine understands that all her problems came from her general submission. She decides that she won't receive orders anymore and that the first rich man that will fall in love with her, even if he's old, ugly... will be her salvation from being a servant. Of course all the beauty of this opus rest in the simple fact that being a human being there is nothing she can do against the good will of her own heart.
I had never seen an American Renoir before, and I’ve been surprised to see to what point he was able to translate his universe with English speaking actors, the waltz of his direction, his belief in freedom and human beings and his anarchy in the Boudu way. He even found in Reginald Owen an equivalent to Michel Simon who wore the same beard as Simon did in The Bitch.
This film still haunts me and I bought Mirbeau's book to find out what was originally in it and what was added by Renoir or Buñuel.

This film is funny and also very moving. As Douchet pointed out one can enjoy it without analysis ( that's probably why Renoir has always been rather popular) but there also are a lot of deeper meanings. And now because I was there to listen to the analysis of the famous critique I will, for once, give you his opinion on the movie :
In Renoir's films all the characters are playing their social parts, and trying to fit and play them properly, so if life is dramatic why can't it be filmed as theatre. Less than human they are clichés. Joseph wants to stop being a valet, but he'll never be anything else because that's what he is. In Renoir's films there is no class war, like a waltz you leave one class to enter another. The valet wants to be a owner, but in Renoir’s philosophy property is Evil probably ( and I am the one who adds it) because people who define themselves through things, lands, objects can't become real persons. All the characters are histrionic and dramatic in life besides Celestine who is the one and only real person, and became one from the moment she stopped being submissive.

Celestine is sexually opened, she's nor frustrated nor retained, Joseph is the contrary, and will never be able to open up, even if Celestine marries him. The old waltz ( I use this word so much for Renoir but it's fitting so well) of Eros and Thanathos. She lives, he kills.

The house mistress played by Judith Anderson ( the terrifying Mrs Danvers in Hitchcock's Rebecca) uses Celestine to keep her tuberculous son, George at home. She gives her dresses and perfume because she also wants to own people like a puppet master. But Celestine and George fall in love. I must say that if from the back he looks like Frankenstein creature, that Hurd Hatfield was pretty handsome ( and I usually dislike the Hollywood golden age « young » lovers which were most of the time in their forties).
What I love about this film is its modernity in sensuality, it's Celestine who kisses George and not the other way around like in any other films of these times.

This Renoir is also very violent and the fight for Celestine between George and Joseph is painful and dangerous. For Douchet, in Renoir's films to gain one's freedom one has to literally fight, and our tubercular has to free himself from his mother and from his condition of nineteenth century cliché ( come on a young neurasthenic man with tuberculosis) to become a human being like Celestine.
That was Douchet's analysis and to complete it, here's mine:
What obsessed me in the night after the session was Celestine's paradox. She looked into Joseph's eyes, and told him that when she was a kid she wanted to see what people were really like behind all their pretences, she wanted to see their true nature. She says that and then that she's been hurt many times. As if she was altogether able to see people's soul and make mistakes, follow strange and sordid adventures. What's beautiful about this film and about Celestine is that she always let life decide for her and is deeply alive. And that's the genius of Jean Renoir his films are fuelled by the real energy of life.

1 comment:

CinéMovies said...

Merci pour votre commentaire enthousiaste que je viens de découvrir sur mon blog. J'apprécie beaucoup votre vision du film de Jean Renoir.

Cordialement,

Alexandre
http://cinemoviesalholg.blogspot.com/

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